21 décembre 2006

Le match Fischer-Spassky sur France Culture

C'est un poncif de l'histoire des échecs : la finale de championnat du monde qui opposa, en 1972 à Reykjavik, le Soviétique Boris Spassky, tenant du titre, à l'Américain Bobby Fischer (photo ci-contre) aurait été la prolongation sur l'échiquier de la guerre froide. Reflétant les raccourcis journalistiques de l'époque, le début du documentaire radio d'Emmanuel Chicon et Christine Robert, diffusé demain vendredi 22 décembre à 9 heures sur France Culture dans « La fabrique de l'histoire », n'échappe pas au cliché. Il s'agit pourtant d'un contresens. Politiquement, 1972 constitue plutôt un important jalon de la détente avec la rencontre Brejnev-Nixon et la signature d'un traité sur la limitation des armements stratégiques. De plus, sur le plan des personnalités, rien ne vient confirmer l'idée reçue selon laquelle Spassky représentait l'URSS et Fischer les Etats-Unis et, à travers la bannière étoilée, le monde libre. Le premier nommé n'a jamais été communiste et il a toujours eu - dans les limites strictes de l'ère soviétique - un certain franc-parler. A la suite du match, il fut même puni par Moscou pour son attitude « arrogante ». Le second n'a jamais fait preuve de patriotisme (il vomit aujourd'hui les Etats-Unis et n'y remettra sans doute jamais les pieds). Seule sa carrière compte. En 1972, tous deux ne veulent qu'une chose : jouer ce match.
La suite de ce passionnant documentaire tourne le dos, à juste titre, à ce trop facile calque du diplomatique sur l'échiquéen. Tous les témoignages recueillis (Arthur Agopian, Iossif Dorfman, Aldo Haïk, Christophe Gueneau et Jean-Luc Seret), qui nous font plonger (ou replonger pour les plus âgés) dans l'atmosphère si particulière qui a entouré ce match, convergent vers un seul point : Reykjavik fut non pas une guerre idéologique en réduction mais une guerre psychologique intense entre deux egos. Animé d'une volonté de fer, Fischer voulait battre les Soviétiques, non pas parce qu'ils étaient communistes, mais parce qu'il les accusait d'étouffer le monde des échecs, parce qu'il n'était, lui, soutenu par aucun régime, et que, contrairement à eux, il ne vivait que de ses gains. Et surtout parce que devenir champion du monde était le but de sa vie. Après sa victoire éclatante contre Spassky, Fischer, à 29 ans, disparut des échiquiers, écrivant le coup le plus marquant de sa propre légende. On pourra éventuellement regretter que certaines célèbres anecdotes n'aient pas été citées mais la ligne principale du documentaire est cohérente et je vous invite à l'écouter.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bobby Fischer est le plus grand homme de toute l'histoire des échecs depuis 2500 ans.

Si en terme de qualité de jeu on peut penser à juste titre qu'un Kasparov voire un Karpov ou un Kramnik lui sont peut-être supérieurs, cet aspect est secondaire.

Avoir réussi à mobiliser son énergie individuelle, toute sa vie, pour atteindre ce titre de Champion du Monde face à une armada de GMI travaillant de concert est impressionnant.

Avoir réussi à faire plier tout le système de désignation du Champion du Monde en imposant des matchs individuels pour isoler l'opposition est colossal.

Renoncer à continuer après avoir atteint son but est non seulement "le coup le plus marquant de sa propre légente" comme le dit très bien Pierre Barthélémy, mais c'est à mon avis aussi et surtout le signe que le but de Fischer n'était pas de dominer, ou de profiter d'une situation de rente, mais d'atteindre beauté et accomplissement.

Fischer n'a eu pour seul juge de ce parcours que lui même, et nous n'en sommes que les témoins ébahis.

Aujourd'hui je ne vois qu'un Ivantchouk porté par une telle force dans le top mondial.

Anonyme a dit…

bof bof, sans intérêt. Fischer pense qu'il est devenu une légende. Pour moi c'est un champion du monde comme un autre qui a eu peur de remettre son titre en jeu. Je n'écouterai pas cette émission

Anonyme a dit…

On peut voir , sur Yutube, des images du match et de l'événement.
En particulier on voit Fischer jouer le fameux Fxh2 perdant la première partie. Emouvant pour ceux qui ont vécu cela, à l'époque,'en direct'(!!!)