17 novembre 2006

Les interviews d'Echecs Info : Stéphane Laborde

Aujourd'hui un des organisateurs d'échecs les plus actifs en France, Stéphane Laborde est fondateur de Chaturanga SAS et produit les vidéos échiquéennes de diagonaletv.com. Il apprend à jouer aux échecs à 12 ans, se retrouve vite à organiser des tournois dans son collège puis, plus tard, lorsqu'il est élève ingénieur à Télécom Paris, les fameuses simultanées des grandes écoles (en association avec Dan-Antoine Blanc-Shapira). Après quelques années passées dans l'informatique, il veut assouvir sa passion des échecs, crée le Grand Prix de Bordeaux en 1997, le premier site Internet d'échecs français (Forum 64, qui n'a pas marché). Très vite persuadé qu'Internet est LE média idéal pour la discipline, il se lance dans l'aventure de CanalWeb (qui lance la télévision en ligne) en créant la chaîne Diagonale TV fin 1998. Avec son complice Eloi Relange, Stéphane Laborde, surfant sur la bulle Internet, va à Linares, à Dortmund, à Wijk-aan-Zee, suit le match Khalifman-Leko à Budapest, multiplie les interviews des grands des échecs et, cerise sur ce gâteau, obtient l'exclusivité mondiale de la diffusion du match Kasparov-Kramnik de Londres, en 2000. C'est un record mondial de diffusion de vidéo sur Internet. Mais CanalWeb ne résiste pas à l'explosion de la bulle Internet et ferme en 2001. Stéphane Laborde reprend du travail dans l'informatique mais l'appel des échecs est le plus fort et l'homme lance Chaturanga en 2004 ainsi que le Grand Prix d'échecs d'Aix-en-Provence... qui vient de mourir. Voici donc la première des grandes interviews d'Echecs Info, axée sur l'économie capable de sous-tendre le développement des échecs.

Malgré la mésaventure du Grand Prix d'Aix-en-Provence, vous pensez que les échecs ont un véritable avenir. Pourquoi ?

Je pense que la France est mûre et que le monde est mûr. Il existe une vraie audience sur Internet. En 2000 et sans haut débit, le match Kasparov-Kramnik a rassemblé 400 000 télénautes différents. Dans le monde entier, les grands tournois ont progressé : Linares annonce 300 000 euros de prix pour 6 joueurs ; Corus continue à Wijk-aan-Zee ; Dortmund est très costaud ; un grand tournoi s'est créé à Sofia, un autre à Moscou, l'Aeroflot, plus le World Open de Philadelphie. Le Mexique s'y met, ainsi que des pays émergents comme l'Inde et la Chine. Tout cela est en train de monter, allié à une pénétration d'Internet. Certes, le jeu d'échecs est localement peu dense, mais si vous connectez entre elles toutes les parties du monde, vous obtenez un vrai marché d'environ 6 millions de licenciés. Cela représente quatre fois le nombre de joueurs de foot licenciés en France. Si ce n'est pas un marché, ça, il faut me dire ce qu'est un marché...
Encore faut-il que les gens soient prêts à payer...
Regardez les sites de jeu en ligne. Si vous additionnez Internet Chess Club et ChessBase, vous n'êtes pas loin de 100 000 abonnés qui paient 49 euros par an. Yahoo n'est pas payant mais il rassemble facilement plus de 100 000 joueurs réguliers. Ces 200 000 sont sans doute très en-dessous de la réalité actuelle. Si on se projette dans l'avenir, on a la possibilité, à terme, de rassembler plus d'un million de consommateurs d'échecs. C'est un marché à prendre.
Comment ?
Ce qui manque à Internet pour le moment, c'est un grand média d'échecs, si possible un média TV en ligne, qui puisse couvrir les tournois et en adapter certains à un format télé clair, comme je l'ai fait sur Aix et sur Bordeaux : des matches un contre un, en parties rapides, avec des échiquiers interactifs et des éléments graphiques pour étayer les commentaires. Cela restera un marché de niche dont le chiffre d'affaires sera généré par l'abonnement, car je vois mal comment trouver un annonceur qui soit intéressé par un public mondial interconnecté. Mais on peut envisager d'inclure des pubs Flash cliquables. A diagonaletv.com, nous avons vendu plus de 4 000 vidéos en trois mois et j'estime que nous avons un potentiel de 5000 à 10 000 abonnés à 60 euros par an, sur la France. On peut en cibler au moins cent fois plus dans le monde en passant au multilinguisme. Le problème principal est de trouver des investisseurs qui nous aideront à mettre cela en place.
Le problème principal n'est-il pas plutôt celui de l'absence de visibilité des échecs, absents des grands médias ?
C'est un problème qui concerne surtout la France. Regardez, par exemple, en Espagne, qui est un plus petit pays : il y a une rubrique régulière dans Marca, un des quotidiens sportifs. Chez nous, L'Equipe ne parle jamais d'échecs. C'est un vrai scandale que l'on donne les résultats des clubs de foot de Bastia et d'Ajaccio et pas ceux de l'open Corse. Les médias soi-disant objectifs et nationaux sont en fait des médias parisiens partisans diffusés nationalement. On parle souvent du renouvellement de la classe politique. Mais il faudrait aussi se poser le problème du renouvellement de la classe médiatique. Ce sont toujours les mêmes vieux schnoques qui dirigent les rédactions et parlent des mêmes vieux sujets qu'il y a trente ans alors qu'on est en 2006 !
Vous qui organisez des tournois, comment expliquez-vous qu'hormis ce qui se passe en Corse, la France n'ait pas de grand rendez-vous échiquéen pérenne, pas de Linares ou de Wijk-aan-Zee ?
J'essaye de bâtir un modèle économique avec les échecs, qui fonctionne. Il faut se baser sur ce qui marche en sport et arrêter, en France, de confondre sponsors et mécènes. Un sponsor va soutenir un événement ou un sport, en cherchant un retour sur investissement direct (ou indirect) et si possible rapide. Les modèles des grands clubs de sport ou des grands événements sportifs reposent sur 1/ la billetterie qui représente entre 30 et 50 % du budget ; 2/ le sponsoring avec des produits alléchants pour les entreprises ; 3/ les droits TV. C'est vrai dans le tennis ou dans le football et quand on regarde l'Olympique lyonnais, c'est le seul club qui mette en oeuvre ce modèle, parce qu'il est dirigé par un vrai chef d'entreprise, Jean-Michel Aulas. Quand on envisage l'organisation d'un grand tournoi d'échecs, il faut se poser la question de la billetterie : quel est le potentiel du public payant ? En province, entre 200 et 400 personnes. Sur Paris, entre 500 et 1000. Si l'on prend 200 personnes et un forfait de 75 euros pour venir voir tout le tournoi, cela nous donne une caisse de 15 000 euros pour la billetterie. Si l'on considère que cela doit représenter 50 % du chiffre d'affaires, cela signifie que votre budget ne doit pas dépasser 30 000 euros. Voilà la réalité de base. Avec un budget de 30 000 euros, même s'il y a relativement peu de frais, on pourra inviter une star comme Karpov mais pas deux. A Bordeaux, on est arrivé à ça. Pour la première fois dans le monde, un tournoi a été un événement économiquement équilibré. Si l'on reprend le calcul mais cette fois pour Paris, on obtient un budget d'environ 80 000 euros. On ne pourra pas inviter plein de stars parce qu'elles sont trop chères. Sauf à avoir un mécène, il faut arrêter de rêver de plateaux mirobolants.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Les échecs riment bien avec les échecs de ces différents tournois.

C'est vrai que pour les scolaires on parle des échecs comme l'école de la réussite.

Ici, force est de constater que échecs riment avec l'échec.

la problématique est donc la suivante : Comment faire oublier l'échec des échecs dans ce cas d'espèce.

Première piste, à l'instar des partis politiques traînant nombre de casseroles dans les années 80 ; Changer de nom, tel le RPR en UMP.

Proposition : Ne plus dire les échecs mais employer le terme anglais Chess. Qui, il faut l'avouer est bien plus neutre et bien moins marqué en charge négative.

Anonyme a dit…

Bonjour !
Voilà un extrait de mes nouvelles quotidiennes actuellement concernant l'open de Cappelle-la-Grande :

Tarif d'inscription : 45 euro pour un adulte, moitié prix pour jeunes et plus de 60 ans. Tous les participants jouent dans le même open.
http://www.cappelle-chess.com
Moyenne sur les dix dernières années :
Nombre de participants : 617
Nationalités représentées : 52
Grand-Maîtres : 89
Maîtres : 74
Nombre de classés FIDE : 380 (471 l'année dernière)
Ce n'est pas le total, c'est la moyenne par open ! Chaque année une dizaine de normes sont réalisées.
http://www.cappelle-chess.com/article87.html
Sur le site de Cappelle vous trouverez aussi le nom de chaque participant depuis le début de l'open parmi lesquels figurent 40 des 100 meilleurs mondiaux actuels.

Conclusion : il n'y a pas grand rendez-vous échiquéen pérenne hormis en Corse.

Conclusion de la conclusion : il vaut mieux organiser des parties rapides et communiquer avec $$, euro, euro, et alors vous serez considérés.

Anonyme a dit…

Il s'agit ici d'un discours sur le développement d'un format "télévisable" et donc pensé pour du public.

Faire payer les joueurs pour des tournois de masse fonctionne bien mais c'est autre chose, ça ne correspond pas à la recherche qui est faite ici.

Anonyme a dit…

JUSTE UNE IDÉE POUR PROMOUVOIR LE NOBLE JEU

Avec le concours d'une institution honorable, avec
l'aide d'une bonne Agence de Communication, avec la contribution de tous les talents adhérents à ce projet, pourquoi ne pas créer un grand ÉVÉNEMENT PROMOTIONNEL autour du jeu d'échecs ?

Pour sortir le jeu d'échecs du carcan qui le discrédite :
- un jeu pour intello matheux et/ou boutonneux
- un jeu pour solitaire autiste et/ou neurasthénique
- un jeu pour initiés monomaniaques qui nous gonflent avec leurs "variantes novatrices à la noix de coco"

MON HUMBLE IDÉE : créer un grand événementiel (annuel pourquoi pas?) brisant ces trois tabous
- organiser un grand évenement people conviant toutes les célébrités médiatiques poussant du bois : c'est par ce seul moyen que les média et les sponsors daigneront porter un nouveau regard sur le jeu d'échecs (il suffit d'observer le brutal engouement pour le poker grâce à des "inutiles célèbres" qui vantent les vertus de ce jeu de cartes)
- profiter de cet évenement pour lancer une grande opération promotionnelle du jeu dans les quartiers dit "sensibles " et dans les zones rurales sous le label "Réussir en jouant aux échecs"
- prendre cet événement comme support promotionnel pour détecter les endroits propices à ouvrir le noble jeu sur la ville : des bistrots, des squares, des centres sociaux... des endroits libres d'accès où l'on pourrait pousser du bois sans esprit corporatiste de clubs, de licences, de compét, de classement élo... et toutes les déglingues habituelles qui nuisent à une pratique zen du noble jeu !

RÉGLE D'OR : PAS D'ÉVÉNEMENT = PAS DE MÉDIAS = PAS DE SPONSORS = PAS D'ESSOR

Si mon "humble idée" vous intéresse, contactez-moi : l'union fait la force... même aux échecs !

jacques.gimard@wanadoo.fr

Anonyme a dit…

Une petite info : le même organisme public qui a laissé tomber le GP d'Aix-en-Provence , a aussi laissé tomber ...les premiers Tournois à normes , masculin et féminin , prévus début janvier à Hyères et qui devaient être les prémices d'un futur grand évennement... On se décourage pas et on va essayer encore pour Juillet 2007.