Quand Kramnik dominait Deep Fritz avec les Noirs
Il fut une époque où mon journal favori donnait et commentait toutes les parties des championnats du monde mais aussi celles des principaux matches homme-machine. Pour des raisons qui tiennent tant au service des Sports du Monde qu'à la réduction du nombre d'articles dans mon quotidien, tout cela est aujourd'hui révolu. D'où l'idée du blog. Je me suis replongé, non sans nostalgie dans les archives du temps jadis, celui où je sévissais à chaque partie... C'est ainsi que j'ai remis la main sur l'article que j'avais écrit lors de la 3e partie, mémorable, du match Kramnik-Deep Fritz de 2002. Mémorable par le fait que le champion du monde, avec les Noirs, avait dominé le logiciel qui n'avait visiblement pas bien appréhendé le plan de son adversaire. Le papier commençait par : "Heureusement pour Deep Fritz, les machines ne savent pas encore souffrir."
Je vous propose donc aujourd'hui de revenir sur cette partie exemplaire, jouée le 8 octobre 2002 à Manama (Bahreïn). Avec les Blancs, l'équipe de Deep Fritz avait renoncé à la partie espagnole à laquelle le Russe, dans la première partie, avait opposé la solide défense berlinoise qui lui avait si bien réussi contre Garry Kasparov deux ans auparavant. Mais les gens de ChessBase avaient, bizarrement, opté pour la partie écossaise. Je dis "bizarrement" car il s'agissait d'un choix discutable dans la mesure où l'écossaise étant une ouverture que Kasparov avait remise à la mode, Kramnik l'avait forcément disséquée avant le match de 2000 au cours duquel il avait terrassé son aîné. D'ailleurs, Joël Lautier m'a confirmé hier que cette 3e partie de Bahreïn faisait partie de la préparation de Kramnik en 2000. En plus de cette erreur stratégique, Deep Fritz choisit une variante avec échange rapide de dames, ce qui réduisait ses possibilités tactiques.
Le logiciel semblait pourtant content de lui, sûrement à cause des deux paires de pions doublés dans le camp noir. Mais il ne s'est pas aperçu que, dans la position du diagramme ci-contre, les Noirs allaient gagner sans souci le pion f6 et, dominant les colonnes centrales, avancer leurs pions de l'aile-dame. Comme si cela ne suffisait pas, Deep Fritz facilita la tâche de son adversaire en échangeant toutes les tours. Au bout du compte, Kramnik se retrouva dans une finale avec les fous de même couleur et un, puis deux pions de plus. Dans ces conditions, sachant que le champion du monde allait dérouler sa technique sans se fatiguer les neurones, les ingénieurs de Deep Fritz préférèrent abandonner au 51e coup. A ce moment de la rencontre, le Russe avait deux points d'avance et menait 2,5 points à 0,5, ayant déjà gagné la 2e partie grâce à une erreur typique des logiciels en finale. Il existe donc des possibilités certaines de faire déjouer la machine. Toute la difficulté consiste à savoir les identifier et les exploiter. J'y reviendrai demain.
5 commentaires:
Vive Echecs Info !
Il faut se dire que la machine a des faiblesses dans son jeu et que l homme peut la battre ..... Ceci deep fritz joue a partir de demain et kramnik aura l occasion de juger cette machine
Sans faire de pronostics, je trouverais tout d'abord formidable que Kramnik remporte ne serait-ce qu'une partie contre ce monstre de calcul qui ne connait pas la fatigue, le stress....car cela voudrait dire que la machine n'est donc pas infaillible et donc qu'on ne peut pas lui faire totalement confiance pour nous remplacer!
Vivement les matchs à venir... et vos commentaires !!!
L'audience va remonter à cette occasion
Pour un amateur d'échecs comme moi et comme tous vos lecteurs, nous sommes heureux de voir presque chaque jour votre chronique si précise et détaillée
Que fait Le Monde papier pour vous relayer et parler des échecs au niveau qu'il le mérite... et notamment ce match ???
J'incite les lecteurs à s'adresser directement au Monde pour vous soutenir
A +
Je crains fort qu'avec les règles prévues, le résultat de ce match n'aie pas beaucoup de sens.
Kramnik est très adroit (v. le Championnat du monde conte Topalov), et il a su se mettre encore en bonne position ...
Rien à voir avec le courage d'Adams, qui avait accepté une confrontation beaucoup plus périlleuse contre Hydra, qui est le plus gros supercalculateur existant.
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