La perception du risque
Comme on a pu s'en apercevoir hier, en analysant la très complexe partie Aronian-Leko, la défense peut parfaitement passer par des contre-menaces, par un équilibre de la terreur. Encore faut-il avoir identifié avec lucidité (et à temps) les risques que vous encourez. C'est visiblement ce que n'a pas su faire, dimanche 12 novembre, le Russe Peter Svidler, lors de la 6e ronde du Mémorial Tal, qui l'opposait, avec les Blancs, à son compatriote Alexandre Grichtchouk. Vous pouvez rejouer la partie ici. Dans cette variante Najdorf de la défense sicilienne, typique avec ses roques opposés, Svidler a un peu laissé faire son adversaire, qui a empilé ses tours sur la colonne b, ouverte en direction de la forteresse abritant le roi blanc.
Il n'y avait encore rien de grave mais Svidler a tenté de se trouver du contre-jeu à l'aile-roi, sans trop de préparation et, surtout, sans réelle chance immédiate. Dans la position du diagramme ci-contre, prise juste après le 32e coup des Blancs, Svidler vient de déplacer sa tour de d1 en h1, pour récupérer le pion h. Sans doute aurait-il mieux fallu laisser la tour là où elle se trouvait et attaquer le pion "d", autrement plus sensible que son homologue de la bande, en jouant Cf3. Mais Svidler a préféré 32. Th1, sans doute inconscient du danger. Les Noirs ont en effet une belle menace cachée pour profiter de la faiblesse des pions b2 et c2 : Grichtchouk joua 32... Ff8 ! L'idée de ce retrait est évidemment de placer le fou en g7, sur la grande (et sensible) diagonale noire. Les Blancs ont poursuivi leur plan par 33. Txh5 et les Noirs ont fait de même par 33... Fg7, attaquant la dame. La seule réponse est 34. e5.
Après 34... d5 (diagramme ci-contre), les Blancs, très curieusement, non plus vraiment de défense face à l'accumulation de menaces qui visent leur roque. La plus immédiate est Ff5, visant la case c2. Tenter 35. Cf3 se heurte au spectaculaire Tb3 ! Après 36. cxb3 Txb3, le moins mauvais choix pour les Blancs est de donner la dame contre la deuxième tour noire. Mais la médiocre coordination des pièces blanches et surtout l'avancée des pions c et d noirs vont rapidement faire la différence. Dans la position du diagramme, un peu en désespoir de cause, Svidler joua 35. Fe3. Après 35...Ff5 36. Fd4 (défendre le pion c2 est impossible : sur 36. Tc1 Txb2 et tout s'écroule) Fxc2, Svidler joua le désastreux 37. e6. Suivit 37... Fxb1 38. Cxb1 fxe6 et Svidler, avec une qualité et deux pions de moins, jeta l'éponge.
Dans les autres parties de cette ronde 6, Alexandre Morozevitch, qui est en train de rater son tournoi, s'est fait consciencieusement ratatiner par Peter Leko ; le jeune Magnus Carlsen a oublié ses classiques et gaffé dans une finale tour contre tour+pion qu'il aurait dû annuler contre Levon Aronian ; les deux autres parties (Mamedyarov-Guelfand et Shirov-Ponomariov) se sont achevées par le partage du point. Trois hommes sont désormais à égalité en tête : Leko, Ponomariov et Aronian. Aujourd'hui est un jour de repos à Moscou et je rendrai compte du final de ce Mémorial Tal jusqu'à la fin de la semaine.
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