24 janvier 2007

Anand distille son poison

Vishy Anand s'est réveillé mais cela risque d'être un peu tard. Même si, à Wijk-aan-Zee, l'Indien (ci-contre, photo Fred Lucas/Mementoo) a devant lui la fin de tournoi la moins difficile de tous les grands ténors (il jouera contre Kariakine, Shirov, Tiviakov et Navara), son point et demi de retard, après la ronde 9, risque d'être un handicap trop gros à surmonter. Ne boudons cependant pas notre plaisir et regardons la partie qu'il a disputée hier, avec les Blancs, face au Néerlandais Loek Van Wely. C'était une variante Najdorf de la sicilienne et le Néerlandais décida de placer sa dame en b6 puis de croquer le pion empoisonné en b2. Ensuite, l'Indien donna un deuxième, puis un troisième pion. En face, Van Wely mangeait, mangeait, mangeait. La gourmandise étant un vilain défaut, tout le monde se demandait s'il pourrait digérer...
En effet, pendant tout ce temps, l'Indien avait quasiment achevé son développement (il ne lui restait plus qu'à roquer) tandis que la situation du Néerlandais, hormis la dame et un cavalier en d7, évoquait un parking de pièces, surtout à l'aile-dame. Au 20e coup, dans la position du diagramme ci-contre, Van Wely, sans doute turlupiné par son grand retard de développement, décida de céder la qualité et, au lieu de retirer sa tour attaquée en e8, préféra sortir son cavalier par 20... Cc6. L'ennui, c'est que après 21. Fxf8 Cxf8 22. 0-0, la majorité des pièces noires sont mal placées pour défendre le roque de Van Wely et on pressent que la case f7, qui a perdu son défenseur naturel (la tour f8), a du souci à se faire. Van Wely choisit ici de rendre encore du matériel en jouant 22... Fd7 23. Cd6 (attaque à la fois b7 et f7) Ce5 24. Cxb7 Dc7 25. Cd6 revient tranquillement imposer de la pression sur f7. On peut se demander pourquoi Van Wely n'a pas tenté l'échange de dames par 25... Da7. Le fait est qu'il choisit de soulager le pion f7 en l'avançant d'une case, ce qui enlevait un défenseur au pion e6.
L'échange des dames intervint un peu plus tard dans la partie, dans une position où les Blancs, très à l'aise, allaient regagner un nouveau pion, le pion e6 justement. La position de Van Wely devint par conséquent de plus en plus difficile. Comme il est conseillé dans le cas où on a une qualité d'avance, Anand échangea la dernière tour des Noirs. Du coup, leur pion "a" s'affaiblit à vue d'oeil tandis que le pion passé des Blancs sur la colonne "c" se révélait un véritable poison. Cela commençait à sentir fort le roussi lorsque Van Wely abrégea ses souffrances au 39e coup. Il faut dire que les options étaient maigres et peu agréables. Le plus sensé aurait consisté à tenter de rapprocher le roi noir de ses pièces mais cela aurait eu pour corollaire d'abandonner les pions de l'aile-roi à leur sort. Dans la position du diagramme ci-contre, le Néerlandais crut pouvoir activer son cavalier en jouant 39... Cd4, menaçant de prendre le fou e2 sur une fourchette Roi-Tour. Mais Van Wely avait oublié une règle de base : vérifier que son adversaire ne dispose pas d'un échec intermédiaire. Or, non seulement, Anand avait cette possibilité mais, en plus de cela, elle dégageait la colonne "e" sur laquelle se trouvaient deux pièces noires non protégées et incapables de se protéger entre elles. Anand joua 40. Fc4+ Rf8 41. Td1 et les Noirs abandonnèrent avant de perdre un des deux cavaliers. Dans cette partie, le dynamisme l'a emporté sur les considérations matérielles.

2 commentaires:

BaCcHuS a dit…

Partie sympa en effet :-)
Je suis tout de même étonné de la gourmandise de Van Wely...

Anonyme a dit…

Gourmandise ... Anand a joué la même variante avec les Noirs lors de la première ronde et avec du succès.