Ronde 6 : Kramnik revient dans le bal
On pouvait se demander, au vu des nulles rapides qu'il accumulait, si Vladimir Kramnik, le champion du monde d'échecs, jouait vraiment pour la gagne dans ce tournoi A de Wijk-aan-Zee. Hormis une victoire contre Alexeï Shirov (qui a perdu presque toutes ses parties jusqu'ici), le Russe n'avait pas montré grand-chose. Mais hier, lors du premier choc entre "titans", Kramnik a prouvé, avec les Blancs contre Viswanathan Anand, qu'il avait quelques prétentions. Et aussi quelques atouts dans sa valise, car les améliorations que le numéro 3 mondial apporta à cette ligne de la catalane au sortir de l'ouverture (à partir du 16e coup) émanaient tout droit de recherches à la maison. D'ailleurs, Kramnik joua tout cela assez vite, plus vite qu'Anand qui n'est pourtant pas réputé pour être un lambin, mais était tombé dans une préparation de son adversaire. Au 22e coup, dans la position du diagramme ci-contre, les affaires de l'Indien se compliquèrent (voir le diagramme ci-contre). Anand joua 22... Cc4 23. Cxc4 Fxc4 24. Df2 Te8 25. e4 et on s'aperçoit que les Blancs n'ont aucun souci et que, surtout, le fou en c4 frappe dans le vide. Deux autres options semblent meilleures que le coup du texte : 22... Fc4 (avec l'idée 23. Cxc4 Cxc4 car le cavalier est plus fort ici 24. Txc4 ! bxc4 25. Dxc4 et, malgré la qualité sacrifiée, les Blancs ont la paire de fous et une position supérieure, à condition, bien sûr, de savoir quoi en faire) ou 22... Cc6 (visant le fou a5 : 23. e4 Fe6 24. Df2 [a le double intérêt de contrôler la case d4 et d'attaquer la tour a7, qui n'aura plus de défenseur si les Blancs prennent le cavalier au coup suivant avec leur tour et que la dame noire reprend] Cxa5 25. bxa5 n'équilibre pas encore totalement les chances mais est préférable, me semble-t-il, à ce qui va advenir dans la partie).
En effet, maîtrisant totalement la colonne "d", le Russe va, après un premier échange de tours, y installer un couple tour-dame, sans laisser à Anand le moindre contre-jeu. Suivit l'échange des dernières pièces lourdes et l'on entra doucement en finale où la paire de fous des Blancs et l'incapacité des Noirs à défendre le pion a6 allait faire pencher définitivement la balance du côté du champion du monde. Même si le Russe passa à côté du plan le plus simple et tâtonna un peu, Anand ne sut trouver la meilleure défense. Et l'on parvint au 52e coup, à la position du diagramme ci-contre, avec le fameux pion passé éloigné (en b4), actuellement bloqué par le cavalier, mais le plan des Blancs est très simple : aller, avec le roi, chasser le bestiau de b5, puis avancer le pion tranquillement. Les Noirs seront contraints de sacrifier le cavalier pour éviter qu'une dame réapparaisse puis les Blancs retraverseront l'échiquier pour aller s'occuper du pion "h" et mener leur propre pion "h" à dame. Il faut noter que tout cela est possible uniquement parce que les Blancs disposent du fou de cases noires, qui assure la promotion du pion en h8, ce que ne pourrait faire un fou de cases blanches. Ici, Anand joua 52... Re7 puis abandonna après 53. Fc5+. Plus rien, hormis une gaffe monstrueuse, n'empêchera les Blancs de gagner. Une partie dans le plus pur style de Kramnik qui, grâce à cette victoire, revient en bonne position dans le bal des prétendants à la victoire finale.
1 commentaire:
"On pouvait se demander, au vu des nulles rapides qu'il accumulait..."
Les nulles rapides, il les a faites avec les Noirs.
A ce niveau, c'est aux Blancs à faire le jeu, et si les Blancs refusent de le faire, dans la mesure où ce long tournoi ne fait que commencer, pourquoi Kramnik prendrait-il des risques non nécessaires?
Pourquoi les Blancs refusent de faire le jeu contre lui? Tout simplement parce qu'ils ont peur. Ils savent que s'ils jouent pour le gain il y a de fortes chances qu'ils perdent.
C'est une marque de soumission flagrante qui fait de Kramnik le favori de ce tournoi.
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